insignificant •• inigo (uc)

Maladif, faiblard, prêt à briser à la moindre bourrasque un peu trop forte, Inigo n’a jamais été une force de la nature. Un gamin comme seule une mère pourrait vraiment aimer, qu’on disait. Et encore. Même ses parents ont fini par arrêter de le défendre au bout d’un moment. Que pouvaient-ils faire de toute façon. Ils avaient enfanté une erreur, ils avaient tout fait pour la corriger, mais il avait fallu se rendre à l’évidence ; Inigo ne serait jamais plus qu’un parasite, vivant en se reposant sur les autres car son pauvre corps n’a jamais été capable de supporter son propre poids.

On l’a souvent traité de victime. Et à juste titre, puisqu’il en était réellement une. Du plus loin qu’il se souvienne, il n’a jamais eu d’amis. Tous les enfants de son âge avaient cette fâcheuse tendance à s’en prendre à lui. C’était une proie facile, il n’avait jamais la force de se rebeller, de se venger. A quoi bon de toute façon, il était persuadé que s’il tentait ne serait-ce que de lever la voix vers ses tortionnaires sa punition ne serait que plus grande.

Autant dire que le concept de honte a vite été implémenté dans son cerveau. Très vite, il n’osait même plus en parler à ses propres géniteurs. De toute façon, ils ne posaient pas de questions. Ils savaient, bien évidemment, mais n’avaient pas le temps de s’occuper de ça. Alors il pansait lui-même ses plaies, se félicitant au moins de ne pas forcer ce travail sur sa pauvre mère. Il pensait au moins qu’ils l’aimaient pour ça, parce qu’il était débrouillard et non pas pleurnichard. Du moins pas devant eux. Devant personne, réellement.

Toute sa personnalité, en grandissant, s’est forgée autour de cette haine des autres envers sa personne. Fermes-la et encaisses les coups. C’était sa technique de survie. A croire qu’elle a pas mal fonctionné, puisqu’il est toujours parmi les vivants, toutes ces années plus tard. Mais il aurait pu rêver de mieux, c’est sûr. Il est devenu une véritable porte de prison, aussi froid à l’intérieur qu’à l’extérieur, le regard dur et le cynisme facile.

C’est sa carapace de protection. Puisqu’il est persuadé que personne ne lui veut du bien, alors il n’a pas de raison d’essayer d’être sympathique. De toute façon, cela ne lui apporterait rien. En grandissant, sa peur des autres s’est transformée en une véritable hostilité et, que ce soit clair, il en veut au monde entier. Il en veut à ses parents, de ne pas avoir agit en tant que tel. Il en veut à ses bourreaux, d’avoir fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Et il en veut à tous les autres, parce qu’il est persuadé que c’est un peu de leur faute aussi. Parce qu’ils ont rien fait pour l’aider. Parce qu’il y a tellement de gens qu’il a croisé dans sa vie, et que jamais personne ne lui a sincérement demandé si tout allait bien.

Bouffé de l’intérieur par son enfance, cela n’a pas été surprenant qu’il saute sur l’occasion d’intégrer la Nocturne. Mais à vrai dire, Arceus, il s’en moque bien. Enfin, il ne cracherait pas sur l’idée d’acquérir sa puissance, mais il sait très bien que son pauvre rang de sbire ne lui permettrait jamais, en aucun cas, de même la toucher du bout du doigt. Alors qu’est-ce qu’il fout là ? Eh bien, c’est évident pourtant ! Il veut inverser les rôles, inspirer la crainte plutôt que de la subir. Et quoi de mieux que de joindre une organisation du mal pour effrayer les petites gens ?

Bon, pour être tout à fait honnête, c’est pas gagné. Et, malgré qu’il refuse de se l’admettre, il aimerait avoir l’occasion de changer d’avis sur l’espèce humaine. Non pas que cela changerait quelque chose à son avis de cogner ses ennemis d’enfance, mais il pourrait peut-être au moins avoir un discours un peu plus objectif sur ses congénères. Mais eh, ce sera pas demain la veille, surtout pas avec ce vieux caractère aigri qu’il se traîne.

Bon, pour être tout à fait honnête, c’est pas gagné. Il ne fait toujours peur à personne et n’a certainement pas encore la confiance en lui nécessaire pour un vrai bon petit méchant. Parce qu’au fond, il a toujours une petite lueur d’espoir -ou de désespoir, peut-être-, aussi faible soit-elle, que quelque chose lui fasse changer d’avis sur l’espèce humaine. C’est vrai, il l’attend depuis longtemps, ce quelque chose, mais il reste un peu de patience au bon qui est en lui. Et puis, de toute façon, il se dit que si rien ne vient, alors il n’aura aucune raison de regretter les mauvaises actions qu’il pourrait faire puisque cela voudrait dire qu’il ne s’était pas trompé sur le cas de ses congénères.